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9 questions avec Emma de Manarola

Cette semaine on se retrouve avec Emma, de la marque de bijoux responsable Manarola !

Outre le fait que nous partagions le même prénom, j'ai été attirée par son univers poétique et le fait que ses collections soient éphémères, suivant les mois et les saisons.

En effet, Emma propose un bijou par mois, fabriqué à la main, et en quantité limitée.


Je zieutais ses créations depuis plusieurs mois, et j'ai enfin craqué pour celle du mois de Février 2020 : la bague Luciana, une chevalière revisitée célébrant l'amour.

C'est cette bague qui m'a fait tomber amoureuse du concept Manarola. Je l'ai reçue dans une petite boîte, avec son numéro de série, 3 petits sachets de thés et un gentil mot écrit à la main. Tout cela m'a donné envie d'en parler plus en détail avec Emma.


Quel est le concept de ta marque et depuis combien de temps existe-t-elle ? J'ai lancé Manarola lorsque j'étais enceinte de ma fille en 2013. Après avoir travaillé ma marque pendant 5 ans de façon "classique" , deux collections par an, vente en boutique, travail avec agents commerciaux... j'ai décidé en 2018 de retravailler entièrement ma marque, son concept, sa façon de vendre et de produire, qui ne me ressemblait plus. Cela a été un petit challenge car j'ai du recommencer tout à zéro ( pas tout à fait mais presque) même si ma marque était à ce moment là entrain de grandir. Malgré cela, je suis plus que ravie d'avoir fait ce choix car après presque un an de lancement de ce nouveau concept je me sens entièrement alignée avec ce que je suis profondément. Proposer un bijou par mois en quantité limitée et numérotée est le concept de Manarola que j'ai lancé en septembre 2019.

Que faisais-tu dans la vie avant de te lancer ? Quel a été ton parcours ? J'ai fait des études de stylisme à Genève, je suis originaire d'Annecy., et avant cela j'ai un parcours 100% artistique ( bac L histoire des arts, Deug en Arts visuels). Après mes études, en 2007, je me suis mise à mon compte directement et ai créé quelques mois après une marque de vêtement avec d'autres créatrices. Cette aventure a duré quelques années, qui ont été très enrichissantes car cela m'a permis de tester beaucoup de chose et d'avoir un avant-goût de l'entreprenariat. J'étais jeune et à l'époque il était plus rare qu'aujourd'hui de voir des jeunes se lancer directement après leur études. Même si cela n'a pas été évident et que cette aventure a été compliquée sur plein de plans, avec le recul cela a été ultra formateur et m'a conforté dans l'idée que j'aimais lancé des projets et que j'avais l'esprit d'entreprise.


As-tu eu une prise de conscience qui t'a poussé à te lancer dans une mode plus responsable, et plus particulièrement dans les bijoux ? La prise de conscience est venue progressivement. Cela a commencé avec un changement personnel d'alimentation, puis de consommation. Je ne me trouvais plus alignée dans mon travail avec les valeurs vers lesquels j'allais en tant qu'humaine. Et pourtant dès les débuts de Manarola je faisais déjà fabriquer une partie de mes bijoux dans cet atelier avec lequel je collabore actuellement, mais une autre partie des bijoux étaient faits de pièces que je fabriquais moi-même à partir d'éléments que j'achetais chez différents fournisseurs. Bien que je fabrique ces bijoux, les fournisseurs pouvaient être à l'autre bout de la planète, j'utilisais les pierres semi-précieuses (chose que j'ai décidé d'arrêter totalement aujourd'hui car très compliqué voir impossible d'établir une tracabilité des pierres), et surtout je fabriquais une grosse quantité de bijoux différents, et j'avais l'impressions d'être noyée dans une quantité de bijoux différents, qui, pour certains, étaient des basiques que les clientes auraient pu retrouver chez d'autres créatrices ( car nous avons toutes les mêmes fournisseurs de chaînes, perles, pendentifs et apprêts). Du coup où était ma valeur ajoutée de créatrice et où était le sens dans tout cela? 


Où trouves-tu l'inspiration pour dessiner tes pièces ?

Elle vient d'un peu partout. Quand je pense au design d'un futur bijou, mon point de départ est toujours le même. Je m'interroge dans quel état d'esprit je serai, de quoi j'aurais envie à ce moment là, et pas seulement en terme de bijou. Cela va être plus globale, une ambiance, une thématique... Le bijou de Décembre, le collier Soraya, par exemple a été très inspiré par Noël et ce genre de moments. Puis une fois la thématique globale posée, je vais réfléchir à d'autres inspirations plus fines, plus subtiles, personnelles que je mixe aux premières. Ensuite je mélange le tout et cela va ensuite se retranscrire dans quel type de bijou, un collier? Une bague?...  quels détails je vais dessiner... Pour le bijou de Mars par exemple j'avais revu le clip des Fugees et de leur chanson Fu-Gee-La et l'image de Lauryn Hill m'a énormément inspirée. De là j'ai réfléchi à ce que cela évoquait pour moi : New York, des typographies, Jean Michel Basquiat, des visuels très 90's, les taxis jaunes... C'est une interprétation 100 % personnelle et faite un instant T. Le même point de départ pourrait donné tout autre chose dans un an car d'autres inspirations pourraient se croiser à celles-ci. C'est un processus en évolution constante, comme moi ;)




Pourquoi avoir choisi de proposer des pièces en édition limitée et pas une collection « capsule » par exemple ? As-tu déjà relancé la production d'une pièce qui avait très bien marché ? Cela est venu de plusieurs choses. La première est venu du constat que dans ma façon de procédé auparavant, j'étais frustrée car finalement je passais peu de temps à imaginer un bijou. J'avais le moment de la création qui durait plusieurs semaines, puis je fabriquais, ensuite je lançais la collection puis venait le moment de vendre la collection. Aujourd'hui, le fait de proposer un modèle par mois, me permet d'être constamment stimulée de façon créative, je ne m'ennuie jamais. De plus cela me permet de mieux gérer les quantités, de me focaliser sur une pièce par mois, de l'expliquer à mes abonnées, d'approfondir les choses, d'expliquer d'où viennent mes inspirations. Pour moi il est très important ce moment de découverte du nouveau bijou pour mes abonnées, de présentation, cela va avec mon idée de "slow design" prendre le temps de la découverte du produit et ne pas être dans l'achat compulsif. Non je n'ai jamais relancé une production d'un bijou qui avait bien marché, cela fait partie du "contrat moral" vis à vis de ma marque et moi-même. Bien sûr que cela aurait pu être envisagé car certaines ont très bien fonctionné et étaient demandées mais cela n'aurait pas été honnête et ne va pas dans le sens vers lequel j'ai décidé de mener les choses pour Manarola.


Comment as-tu choisi l'atelier qui confectionnerait tes bijoux ? D'où proviennent les matières utilisées et pourquoi les avoir sélectionnées ?

Je connais cet atelier depuis quasiment les débuts de Manarola. J'ai eu l'occasion de travailler avec eux avant de lancer ce nouveaux concept pour plusieurs pièces et je n'ai jamais eu aucun retour qualité par rapport à toutes leurs pièces, contrairement à d'autres fournisseurs avec lesquels je travaillais avant. Cela plus le fait qu'ils soient situés à deux pas de chez moi n'ont fait que renforcer l'envie de continuer et d'aller plus dans cette collaboration. Un bijou de qualité fait une part énorme dans le fait de créer un bijou durable et éthique. La technique utilisée pour la fabrication des bijoux est la découpe laser. C'est une technique que j'adore car elle laisse libre court à mon imagination et ma créativité, puisque le point de départ est telle une page blanche, une feuille de laiton. Les bijoux sont découpés dans la feuille de laiton, puis toutes les chutes sont récupérées, et refondue pour en faire une autre feuille. Pas de perte de matière. Après avoir été découpés, les éléments peuvent être gravés, soudés, mis en forme et dorés. Je ne connais pas précisément l'origine de l'or ou du laiton. Même si mon fabricant connais ses fournisseurs il est malheureusement encore très difficile aujourd'hui d'obtenir un sourcing précis. J'en ai déjà discuté avec eux, et eux-même ont envie d'aller vers encore plus de durabilité à l'avenir. Pour l'or par exemple il n'y a qu'un label aujourd'hui qui peut vous assurer que votre or est éthique le label "Fairmined". Pour l'instant j'ai privilégié la proximité de mon fabricant mais j'espère aller plus loin. J'aimerais emmener Manarola vers cela dans les années à venir.


Que penses-tu de la mode dans le système actuel ? Comment la changer : par une révolution ou petit à petit ? Pour revenir justement à ce que je disais précédemment je rêve d'une mode ou le "sustainable" serait la norme. Que pour nous créateurs, pour nos petits fabricants ou petits fournisseurs, trouver des matières premières avec des sourcing précis soient la norme. Le durable DOIT devenir LA NORMA. Auparavant je pensais que les choses pouvaient évoluer petit à petit. Malheureusement je commence à déchanter et je pense qu'il faut très vite une vraie révolution politique. Tant que faire produire dans de mauvaises conditions humaines et écologiques coûtera moins cher que de faire produire de façon durable et respectueuse de l'humain les choses ne bougeront pas. Il faut un réveil et que nos politiques "mouillent la chemise" et osent aller vers de vraies sanctions financières. Hélas car je crois qu'aujourd'hui c'est peut-être la seule chose qui pourrait obliger les grosses entreprises de mode à changer. Et à contrario valoriser les entreprises qui oeuvrent pour la durabilité humaine et écologique que ce soit en faisant du Made in France ou en faisant produire de façon éthique ailleurs. Personnellement j'ai pris le parti de faire du Made in France mais il y a aussi de magnifiques entreprises qui font fabriquer leur produits de façon éthique à l'autre bout du monde. 

Pour terminer, quelle autre marque ou créateur/trice de mode éthique adores-tu ? J'aime beaucoup la marque Carrousel Clothing qui est une marque de vêtement éthique. Elisa, la créatrice est devenue une amie. Elle a créé sa marque il y a 10 ans et fait vraiment parti des pionnières de la mode éthique. Je suis très admirative de son travail et de son parcours car il y a 10 ans les choses étaient différentes et elle a su tenir. 


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