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Errance psy -chique (histoire courte)

- les fées qui m'avaient enlevé

 

Mes parents n’ont jamais aimé l’enfant que j’étais. C’est normal, je n’étais pas des leurs. La légende raconte que les fées échangent parfois des enfants humains avec les leurs. Elles laissent alors dans le berceau un être qui serait inadapté au monde tangible.

Sous les bras de mes nouveaux parents, j’ai écumé les diagnostics et essoré les erreurs psychiatriques. À trois, nous avons erré dans le but de trouver ce qui, en moi, clochait.


Surdoué. Bipolarité. Sociopathie. Trouble dissociatif. Borderline. Autisme


Et une flopée de termes qui semblaient plus ou moins coller.

Sans jamais réellement se calquer sur ma réalité.

Celleux qui m’avaient élevé, disséqué, étudié, étaient perdus. Je l’étais moi-même. Incapable de mettre le doigt sur ce qui me différenciait de celles et ceux qui m’entouraient. En désespoir de cause, j’ai tenté de fuir. 

Étonnamment, ou pas, j’ai alors rencontré des gens comme moi. Abandonnés par leurs familles d’origines, adoptives, et par l’intégralité de la société. J’y ai appris ce que je pouvais être. J’ai pu mettre des mots sur ce que je vivais. J’ai compris comment je fonctionnais et ai commencé à mes capacités. Réalisé pourquoi on m’écartait et ce qui, en moi, pouvait perturber. J’ai expérimenté et tenté de me reconnecter au monde duquel, bébé, j’avais été expulsé. J’ai découvert, pour la première fois, ce qu’était une communauté. Se sentir aimé, et en sécurité.

On a fini par me rattraper. La décision, prise à l’unanimité, et sans me consulter, fut de m’enfermer.


Mes parents pleuraient.

Le corps médical affirmait qu’ils ne pourraient pas me réhabiliter. 

J’ai d’abord éprouvé une certaine fierté à l’idée de savoir qu’ils n’arriveraient jamais à me dompter. Que ma nature ne pouvait être modelée ou étouffée. Mais à côté, ma tristesse était immense. J’aurais aimé m’insérer dans leur architecture. Je désirais si puissamment, depuis toujours, être accepté. Sans succès. L’un dans l’autre, à ce moment-là, je voulais simplement qu’on me laisse en paix.

Malgré tout, je fus injecté, d’un liquide qui rapidement, engourdit mon corps. Mes doigts, mes mains, mes pieds. Une sensation d’être enroulé dans de la ouate m’envahissait, et, malgré la situation, je me sentit apaisé. Mon esprit peinait à former le moindre enchainement de pensée. Bientôt, je titubai. Ma nuque bascula vers l’avant et je me sentis tomber.

Je ne reconnu pas les bras qui m’avaient rattrapé.

En rassemblant toutes les forces qu’il me restait pour regarder dans la direction de l’inconnu sur qui je m’étais effondré, je parvins à distinguer quelques traits. Des mèches folles bleutées qui s’échappaient d’un … bonnet ?

Lorsque je rouvris les yeux, j’étais allongé. Le lit sur lequel j’étais était confortable. Recouvert de mousse. Il faisait chaud, c’était agréable. Je scannai la pièce et aperçut plusieurs pots transparents contenant des liquides bouillonnants. Il s’en dégageait des fumées colorées. Je sentais l’odeur de la forêt et un fort parfum de thé. Je m’assis avec difficulté. Où est-ce que j’étais ?

“Tu devrais y aller mollo”.

L’être qui m’avait rattrapé était là. Comme matérialisé de nulle part. Ses cheveux n’étaient pas bleus et le bonnet était en réalité un lourd chignon de cheveux locksés, noirs et parsemés de petits objets.

“Je suis passée par la porte.”…“Je suis Lune. Tu nous a fait un sacré numéro là-bas toi”.

Elle n’était pas d’un naturel bavarde, mais m’éclaira sur les zones d’ombres qui persistaient en moi. Me raconta. Longtemps. M’expliqua.

Puis me montra. À quoi ressemblait son monde. 

Notre monde.

Celui dont j’étais issu, depuis le début.

Le champ des possibles y était infini. Tout y existait. La terre et le ciel se mélangeaient. On pouvait y cueillir des étoiles, s’abreuver directement dans les nuages, et …

Une arche était plantée dans la plaine.

ce qu’on y voyait à travers n’était pas la continuité du champ d’ancolies. La pièce semblait contenir un foyer, un feu y crépitait doucement. Cela m’intriguait. Je voulais absolument percer à jour la magie de ce monde, le comprendre pour mieux y évoluer. Je décidai de m’avancer.

L’arche semblait… murmurer ?

J’approchais.

Un pas. Deux.

Ça ne sert plus à rien de le garder attaché.

Trois.

Oui il est complètement absent maintenant. On va remplir les papiers pour les modalités.

Ma vision s’éclaircissait. La mise au point était faite. Mes oreilles semblaient bouchées. 

J’étais passé. De l’autre côté. La pièce était blanche, aseptisée. Le lit dur. Une couverture râpeuse sur mes pieds. 

J’évaluais rapidement la situation.

J’y étais retourné.

Je devrais, de nouveau, m’en échapper.

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