“Mamie vient de … de décéder”
J’ai entendu la voix de mon père dans mon casque anti-bruit, relié à mon téléphone. Assertive, forte, et teintée d’une certaine urgence.
“Donc on va à Rion là. (…) Non, ne viens pas, prochaine fois. Juste, si on s’éternise tu pourras venir t’occuper des chiens ? Florian est là ? (…) Ok. Bye.”
Il ya des moments comme ça, où, parfois, le voile se lève dans mon cerveau.
Et tout est clair
Le moment se grave dans mon esprit, et je sais, en toute certitude, que le souvenir qui en résultera sera intact.
Pendant quelques instants, le brouillard ambiant se dissipe devant mes yeux.
Les couleurs chatoient, je sens l’air passer par mon nez, et je distingue parfaitement les bruits sans qu’ils me submergent. Je pourrais voir une poussière voler.
Le temps est comme suspendu un instant.
Une photo se prend, et s’imprègne de tout son contexte à jamais.
Le flou disparaît. Mes yeux, dictés par mon cerveau, font la mise au point. C’est clair, beau, et intense. Et je découvre le monde. Je ressens ce que c’est, de vivre.
Et puis, 2 à 3 minutes plus tard, la torpeur revient. Comme d’habitude.
C’est bizarre comme nouvelle.
Quelqu’un meurt et ça fait un vide à l’intérieur, tout en te ramenant au caractère éphémère de ceux qui t’entourent.
Ça te rappelle la finité de ta propre existence aussi. Un jour, ce sera moi.
Et ça fera un vide. Une personne de moins sur terre, et un nuage de plus qui s’évapore. Le néant.
C’est étrange la mort de quelqu’un.
“Elle est partie” qu’on dit.
Pourtant, alors que je pense à elle sur ce banc, la bourrasque de vent qui vient caresser mon visage et fait bouger les feuilles est hantée.
Je la vois dans le soleil, les feuilles d’arbres, les escargots et les jardins qu’elle aimait tant.
Je me demande si elle me ressent elle aussi, dans son existence désincarnée.
Je la sens à l’intérieur et à l’extérieur de mon corps.
Elle influence mes émotions, et la tristesse de ma mère qui vient aujourd’hui de perdre la sienne.
Elle n’est pas partie.
Elle habite simplement dans le grand tout auquel on appartient,
Sans intermédiaire
Sans enveloppe corporelle pour faire écran, pour être perçue.
Je me demande si elle apprécie cette nouvelle existence.
Si même elle en a conscience.
Elle est partie, et je la retrouve dans le vent rafraichissant du printemps.
Bon voyage Mamie.
Merci pour ton amour, je t’envoie le mien pour la route.
illustration de The Urban Dani
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Je suis passée chez toi.
Je pensais que la fenêtre serait encore ouverte. Que je pourrais rentrer et me remémorer comment c’était, quand tu y habitais.
La fenêtre était fermée, et je n’ai pas eu le coeur de la casser pour pénétrer dans la maison. Ce n’aurait pas été correct.
Et puis, après tout j’imagine que c’est normal. Tu n’y es pas. Tu n’y seras plus jamais. Donc c’est fermé.
“Mamie vient de décéder”. C’est ce que Papa m’a dit quand il m’a appelé. Sa voix était assertive, forte, mais aussi teintée d’une certaine urgence. Lui et maman devaient aller voir l’enveloppe corporelle que tu as laissé. Il m’a demandé si je pouvais venir m’occuper des chiens, au cas-où cela s’éterniserait.
J’ai acquiescé.
Toi aussi tu avais des chiens. Et des chats. Et des hérissons qui vomissaient quand on leur donnais trop de lait. C’est chez toi que j’ai élevé des escargots, et que je m’entrainais à sauter depuis la dernière marche des escaliers.
J’ai laissé des fraises devant la fenêtre de l’entrée. Tu pourras les manger sur ta route. Toi qui m’a gavée de confiture de fraises pour que je puisse affronter la mienne.
Dans ta cuisine, j’ai bien mangé. Graisserons, soupe à la tomate, crêpes à la confiture, Bastogne, et ma confiture préférée. Tu nous cuisinais toujours ce que l’on aimait. Et puis il y avait les jeux dans le jardin, les courses autour de la maison, les siestes derrière la cheminée, ta machine à coudre, puis tes sourires radieux quand on venait te voir dans ta chambre, tes distributions de chocolats, tes « bah pfff » en levant les yeux au ciel et les photos de nous partout au mur.
J’ai demandé à maman si tu avais été épanouie. Si, malgré ta condition de femme de l’époque, malgré le fait que tu ai passé ta vie à travailler pour les autres, tu avais été heureuse. Elle m’a dit que oui, car même si tu n’étais pas complètement libre, tu aimais les gens. Profondément.
Tu savais toujours comment nous faire plaisir. Tu faisais attention aux petits détails. Et je pense que voir notre bonheur était ce qui participait au tien. Tu débordais d’amour. Et on le voyait sur ton sourire éclatant.
C’est étrange la mort de quelqu’un. Tu meurs et ça fait un vide à l’intérieur, tout en te ramenant au caractère éphémère de ceux qui t’entourent.
Ça te rappelle la finité de ta propre existence aussi. Un nuage de plus qui s’évapore.
“Elle est partie” qu’on dit.
Pourtant, en écrivant ces lignes, alors que je pensais à Mamie sur ce banc, la bourrasque de vent qui est venue caresser mon visage et faire bouger les feuilles semblait me parler.
Je l’ai vue dans le soleil, les feuilles d’arbres, les escargots et les jardins qu’elle aimait tant.
Je me demande si elle me ressent elle aussi, dans son existence désincarnée.
Je la sens à l’intérieur et à l’extérieur de mon corps.
Elle influence mes émotions, et la tristesse de ma mère qui vient aujourd’hui de perdre la sienne.
Elle n’est pas partie.
Elle habite simplement dans le grand tout auquel on appartient,
Sans intermédiaire
Sans enveloppe corporelle pour faire écran, pour être perçue.
Je me demande si elle apprécie cette nouvelle existence.
Si même elle en a conscience.
Elle est partie, et je la retrouve dans le vent rafraichissant du printemps. Dans l’odeur de certaines fleurs et les étals de fraises au marché.
Bon voyage Mamie.
Merci pour ton amour, je t’envoie le mien pour la route.
magnifique poème, on ressent vraiment l'émotion et les sentiments de la personne