N°26. New-age, suprématie, accompagnements
Le 20 Mars 2023
☁️ Bonjour Nuage,
Comment vas-tu ?
Et ce n’est pas une question rhétorique ou de politesse, ça m’intéresse vraiment.
Moi ça va je pense. J’ai pas mal d’idées en ce moment. Je me sens créatifve. Je réfléchis juste à comment les coordonner. Mais ça m’enthousiasme. Je réussis de mieux en mieux à m’ancrer et à communiquer en interne, accéder à des souvenirs et émotions. Donc c’est cool.
Il y a quelques semaines, je t’avais un peu parlé du livre “Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même” et des dérives de la new-age (pas le genre de musique, la spiritualité haha). Tu t’en souviens ? Je ne l’avais pas du tout apprécié, je l’avais même trouvé dérangeant et dangereux en certains points. Mais je ne vais pas t’en parler en détail ici, j’ai déjà fait une vidéo sur le sujet.
Par contre, tu m’avais dit dans une réponse que cela t’intéressait d’en savoir plus sur la spiritualité new-age. Je vais donc t’en parler ici.
Beaucoup dénoncent les dérives de ce “mouvement” (je ne sais pas si c’est le bon terme) en ce moment sur les réseaux.Les termes “appropriation culturelle”, “privilégié”, et même “suprématiste” ont été lâchés. Rien que ça.
Pourquoi ?
En fait, le new-age est un courant spirituel occidental assez fourre-tout et centré sur l’individu. Ce qui est étonnant puisque la plupart des spiritualités sont centrées sur la communauté et la communion que ce soit avec ses pairs et/ou la nature en général.
Là où d’autres spiritualités holistiques vont évoquer l’harmonie avec la nature par exemple, le new-age va promouvoir l’amélioration de soi pour obtenir ce que l’on veut dans la vie, et possiblement changer l’humanité.Tout est centré sur son potentiel personnel qu’il faut éveiller.
Je te disais que le new-age emprunte à pas mal d’autres spiritualités autochtones. C’est un réalité un pur produit colonial. Comme souvent avec l’appropriation culturelle, cette “invention” coloniale a remixé les trucs qu’elle trouvait sympa chez les populations natifves d’Amérique, les esclaves arraché-es d’Afrique, et quelques notions empruntées au bouddhisme, hindouisme et au yoga pour faire sa sauce white-washée.
Comme l’astrologie par exemple - qu’on retrace (entre autres) aux peuples Dogon d’Afrique - certains types d’encens, pratiques liées à la péri-natalité, le concept de réincarnation, shamanisme, kundalini etc.
Sauce qui est bien sûr vendue comme meilleure que les autres, et plus évoluée, plus valable.
Rien de nouveau sous le soleil en soit. C’est vrai.
Mais la pensée productiviste capitaliste et la pensée coloniale ne font pas bon ménage. Et la spiritualité new-age d’aujourd’hui connait des dérives.
Elle continue les mélanges aujourd’hui et affirme des choses en se basant sur de la pseudo-science, de développement personnel, de hustle culture, positivité toxique et psychologie. Ça donne des trucs comme :
“si tu te réincarnes dans une famille abusive c’est que tu l’as mérité, il faut travailler sur toi pour élever ta vibration”, “tu peux soigner ton cancer en cultivant la reconnaissance et en dissolvant ton ego”, “la vie n’est qu’un jeu, une matrice juste pour toi, utilise les autres pour t’élever et passer au niveau suivant”, “la manifestation règlera tous tes problèmes”, “les troubles psychologiques et du neuro-développement ne sont en réalité que le résultat de blessures de l’âme, tu peux te débarrasser de tes symptômes en travaillant sur ton ego”, etc.
Tous ces discours sont profondément privilégiés. Et le souci c’est que la plupart d’entre elleux refusent de les remettre en question car “discuter de politique est un frein à l’avancement et l’illumination spirituelle”.
Ce qui peut se traduire par : si le problème ne me concerne pas directement, si je ne le subis pas, je ne vais pas m’en alourdir volontairement.
Et cela vient d’un refus de remettre en question ses privilèges sociaux et politiques, oui. Mais, si on veut rester dans le spirituel, cela correspond aussi au refus de se pencher sur ses biais internes oppressifs, son histoire ancestrale, ses propres oppressions pour se détacher de la peur et de la haine, etc.
Du coup, maintenant, on observe une dérive récente du new-age vers une pensée suprématiste. Suprématiste blanche, mais aussi eugéniste.
Les deux se rejoignent sur leur pensées conspirationnistes, leur rejet de la médecine moderne, leur pensée coloniale centrant le capitalisme et la civilisation blanche dans leurs pensées et pratiques, etc.
Tout cela s’est renforcé depuis le COVID, bien sûr (la peur et l’incertitude qui étaient présentes à ce moment-là sont un terreau fertile).
Période où beaucoup disaient que seules les personnes génétiquement supérieures survivaient et qu’il fallait donc laisser-faire pour “faire du tri”, que les vaccins étaient un instrument de contrôle, que le confinement était injustifié, qu’il suffisait de boire un smoothie le matin pour aller mieux, ou d’être usager-e de psychotropes (et donc d’être éveillé spirituellement) pour être protégé-e, et bien d’autres choses.
Beaucoup de personnes déjà dans une forme de spiritualité new-age et vulnérables psychologiquement ont été embarquées dans ces rhétoriques typiques des mouvements suprématistes (souvent d’extrême-droite).
C’est très intéressant en tout cas à démêler. Mais très long aussi. Je ferais peut-être un essai complet sur le sujet un de ces jours, tu en dis quoi ?
Mais sinon, on retient qu’être ouvert-e aux autres et à l’écoute reste toujours une solution pour ne pas tomber dans ces dérives. Je ne sais pas trop comment conclure car je t’ai clairement tout balancé d’un coup haha. J’espère t’avoir donné assez de contexte quand même pour que ce soit clair.
Je serais curieuxe de savoir ce que tu penses de tout cela.
Ce genre de sujet est un peu délicat je crois, donc restons dans la bienveillance. Mais ça m’intéresse, car j’observe tout cela d’un point de vue assez extérieur finalement, et personne n’est exempt-e de biais donc si tu as une vision à me partager je prends.
On se dit à très bientôt, prends soin de toi !
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