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Peau d’Âne, Cendrillon : la féminité idéale des contes modèle les stéréotypes de genre dès l'enfance

Aujourd’hui, nous assistons à une révolution des normes de genres dans notre société occidentale. Pour beaucoup, la différence entre filles et garçons viendrait principalement de notre manière d’élever nos enfants, de les éduquer mais aussi de les représenter.

Dans les espaces de la vie enfantine, mais aussi adulte, on retrouve les contes pour enfants.

Ceux-ci sont maintenant à l’origine de la plupart des schémas narratifs que nous côtoyons tout le long de notre vie. En effet, les contes et leurs figures-phares sont repris dans la plupart des films d’animation, des romans-jeunesse, mais aussi dans certains films pour adultes – dans l’univers Marvel par exemple –.

Concernant les figures féminines, la plus populaire reste celle de la princesse, de la demoiselle à secourir et qui ne peut s’en sortir sans l’aide de l’homme de sa vie. Dans les contes, Cendrillon et Peau d’Âne en sont de parfaits exemples. Leur sont également associés certains critères considérés aujourd’hui comme essentiellement féminins tels que la douceur, la bonté, la naïveté ou encore un physique frêle.

C’est cette figure féminine qui sera étudiée dans les prochains paragraphes.

Dans quelle mesure peut-on dire que Peau d’Âne et Cendrillon représentent la féminité idéale ?





I. Les contes de Perrault et leur héritage

L’écrivain

Charles Perrault est un homme de lettres français connu pour ses Contes de ma mère l’Oye.

Un recueil de huit contes de fées paru en 1697. L’œuvre est un classique de la littérature enfantine.

Perrault nait le 12 janvier 1628 à Paris et mourra dans cette même ville le 16 mai 1703. Figure de proue de la querelle des Anciens et des Modernes, il y représente le courant des Modernes et s’oppose donc à La Fontaine, Boileau et Molière du côté des Anciens – appelés aussi Classiques -. Dans ce contexte politique et littéraire, Perrault prône une littérature respectueuse de la bienséance, célébrant le roi Louis XIV, la monarchie et l’Église de France.

Il écrit les huit contes en prose constituant son recueil à l’âge de soixante-neuf ans, à une époque où le genre des contes de fées est très populaire auprès des adultes, en particulier de la classe bourgeoise et aristocratique. Les Contes de ma mère l’Oye sont des contes populaires adaptés et transformés par Perrault. Le succès est immédiat dès la parution de l’œuvre. Les contes seront repris sous forme d’opéras et de ballets. Au XXème siècle, on les verra adaptés au cinéma sous forme de longs-métrages et de films d’animation.

Ils seront également étudiés par les psychologues en ce qu’ils ont d’universel.

Les huit contes composant la première édition sont : La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, la Barbe bleue, Le Chat botté, Les Fées, Cendrillon ou la petite pantoufle de verre, Riquet à la houppe et le Petit Poucet.

Le conte de Peau d’Âne ne fait donc pas partie du recueil initial. Il sera ajouté par la suite en 1861 dans une édition illustrée de Hetzel. Cette version Peau d’Âne n’a pas été écrite par Perrault mais figure dans la nouvelle version du recueil et lui est donc souvent attribuée.


L’histoire de Peau d’Âne et de Cendrillon

Cendrillon et Peau d’Âne ont des histoires similaires. Toutes deux sont de jeunes filles considérées comme belles et de bonne nature.

Exclues par leur famille, elles arborent une apparence miséreuse : Cendrillon est couverte de cendres et Peau d’Âne d’un cadavre animal.

Si Peau d’Âne a dû s’échapper de chez elle pour fuir un père la forçant à l’inceste, Cendrillon, elle, est abusée par une marâtre et ses filles. Le père de Cendrillon, s’il n’est pas activement problématique comme celui de Peau d’Âne, ne l’aide pas pour autant. Les deux princesses ont pour les aider une marraine bienveillante et aimante.

Elles seront remarquées par leur prince alors qu’elles sont vêtues richement : Cendrillon alors qu’elle est habillée par sa marraine pour le bal, et Peau d’Âne lorsqu’elle essaye les sublimes robes offertes par son père.

Comme Peau d’Âne, Cendrillon est activement recherchée par son prince et sera retrouvée grâce à un objet symbolique. Elles seront alors demandées en mariage et trouveront leur bonheur.


Adaptations et figures récurrentes à travers les âges

Les personnages présents dans Les Contes de ma mère l’Oye sont des stéréotypes comportementaux. Les figures de l’ogre et de la sorcière, du prince, de la princesse ou encore de la fée marraine sont des figures reprises dans la plupart des contes pour enfant ainsi que dans les récits d’adulte.

En effet, on retrouve les fondements de ces figures dans les contes de Grimm, et dans la plupart des films Walt Disney. On retrouve du sorcier ou de la sorcière dans La Petite Sirène ou Aladin. Ce sont des personnages négatifs, néfastes au héros ou à l’héroïne. Ils symbolisent l’emprisonnement, la régression, et peuvent s’apparenter à une mère abusive dont il faut s’émanciper. L’ogre.sse, également néfaste aux héros, se retrouve dans Pinocchio, ou les 101 Dalmatiens, etc. Associé.e à l’appétit sans limite et à la destruction brutale, il peut incarner une figure paternelle à abattre pour pouvoir exister pleinement.

Ces personnages sont aussi retrouvés dans la littérature jeunesse avec Harry Potter de J-K. Rowling, Divergente de Veronica Roth, ou encore Narnia de C.S Lewis dont le premier tome est d’ailleurs nommé : « Le lion, la sorcière blanche et l’Armoire magique », publié en 2005 où le lion, Aslan incarne la fée bienfaitrice.

La figure du prince et de la princesse, eux sont également présents dans nombre de contes et de récits.

Ils répondent eux aussi à des critères et traits de personnalité bien précis.

Les deux ont pour eux la jeunesse. Néanmoins, lorsque le prince est vaillant, astucieux, courageux et débrouillard, la princesse est souvent un modèle de vertu : pure, obéissante et soumise à son destin. De plus, alors que le prince, lui, ne se doit pas toujours d’être beau, la princesse doit toujours être l’emblème de la beauté. Pour la princesse classique, c’est d’ailleurs souvent sa principale qualité, et la raison pour laquelle elle sera choisie par son prince.

Si, depuis, les Disneys et romans tentent de changer cette image et de doter les héroïnes féminines de caractéristiques autrefois estampillées comme « masculines » (impulsivité, sens de l’humour, astuce, pouvoir, bravoure…) certains traits demeurent inaltérables.


II. La (et non les) figure de la princesse

La jeunesse

La princesse des contes est en général très jeune. Symbole de la pureté, la naïveté mais aussi de la virginité, c’est sa rencontre avec le prince et donc la découverte de l’amour qui la propulse au stade de femme.

C’est d’ailleurs à ce moment-là que se terminent la plupart des contes : une fois mariée, la jeune fille perd de son intérêt. Le stade de la rencontre amoureuse est passé, le mariage a eu lieu et l’héroïne a donc atteint son but de vie en tant que femme. Il n’y a donc plus aucun besoin de poursuivre le récit.

Cette vision de la vie est très patriarcale.

Au-delà d’être jeunes, la plupart des princesses sont même mineures. Cet élément est. Bien entendu à replacer dans le contexte social de l’époque où les jeunes filles étaient considérées matures et bonnes à marier bien plus tôt.

Ceci peut s’expliquer par l’espérance de vie, bien plus courte qu’aujourd’hui, par le fait qu’une femme n’était réellement utile qu’au-travers d’un mariage, mais également pour des questions de virginité. En effet, une jeune fille devait se marier en étant pure : non seulement en termes de sexualité mais également en termes d’amour. Son mari devait être son premier sur tous les plans. Tarder à la marier l’exposait donc à des relations avec d’autres hommes, lui faisant ainsi perdre de sa valeur sur le marché du mariage.

Si l’âge des princesses n’est jamais explicitement donné dans les contes, on peut le deviner sans peine. Blanche-Neige, dont l’histoire aurait été inspirée par Marie Hassenpflug, donnée en mariage par son père à l’âge de seize ans. On pourrait donc estimer l’âge des autres princesses comme similaire à celui de cette dernière.


La beauté et la bonté

Si la jeunesse est une des caractéristiques premières de la figure de la princesse, la beauté vient très rapidement en deuxième position avec la bonté de coeur.

C’est en raison de leur beauté et de leur gentillesse que les princes les remarquent et les demandent en mariage.

Concernant leur bonté, celle-ci pourrait aujourd’hui être qualifiée de docilité. En effet, une princesse est toujours souriante, pardonne facilement et ne conteste en aucun cas l’ordre établi quitte à se faire marcher dessus. Elle place les besoins des autres au-dessus des siens en toute situation, à tel point qu’on pourrait qualifier cela de bêtise parfois. Cela correspond tout à fait à la figure de la jeune fille pure et naïve évoquée plutôt. Les femmes ayant plus d’expérience et d’astuce sont diabolisées, tant dans les contes que dans la société patriarcale que nous connaissons.

C’est donc pour ces raisons qu’elles sont choisies pour un mariage fructueux et réussissent donc leur vie. Ce de la meilleure façon dont pourrait rêver une femme.

Cendrillon est décrite comme étant « d’une douceur et d’une bonté sans exemple », et « cent fois plus belle que ses sœurs », ce malgré ses « méchants habits ». Tout le royaume est époustouflé par sa grande beauté et le Roi lui-même dira « qu’il y avait longtemps qu’il n’avait vu une si belle et si aimable personne ».

Cendrillon, en plus d’être belle, est extrêmement gentille.

Peau d’Âne, elle, est « belle et bien faite à ravir » mais également pleine d’esprit et d’agréments. « Sa jeunesse, l’agréable fraîcheur de son teint [enflamme] le roi d’un feu violent ». Peau d’Âne, est, à l’image de toute bonne princesse, « remplie de vertu et de pudeur ». Elle ne se rebelle contre son père que parce qu’une union incestueuse serait contraire à toute éthique morale et religieuse.


Les points communs entre Cendrillon et Peau d’Âne

Leur nom d’abord : toutes deux écopent d’un surnom en lien avec leur statut de "souillon".

Cendrillon s’appelle ainsi car elle est couverte de cendres à force de trouver refuge au coin de la cheminée. Peau d’Âne reçoit ce surnom en raison de la « vilaine peau » d’âne dont elle s’affuble pour échapper à son père et son royaume.

On ne saurait passer à côté de la caractéristique qui sauve Cendrillon et Peau d’Âne de leur vie miséreuse tout en leur permettant de trouver l’amour : la petitesse d’un de leurs membres. Il s’agit de son pied pour Cendrillon, et de son doigt pour Peau d’Âne.

Bien entendu, elles sont d’abord remarquées pour leur beauté et leur bonté, mais ce sera grâce à la délicatesse de leur physique qu’elles seront retrouvées par leurs princes respectifs.

En effet, un objet, symbole de leur noblesse et de leur délicatesse est retrouvé par le prince et celui-ci s’en sert pour trouver sa princesse : la pantoufle de verre pour Cendrillon et la bague pour Peau d’Âne. Ces deux objets ne conviennent qu’à la princesse : seul le pied de Cendrillon est assez délicat et petit pour pouvoir chausser la pantoufle, et il en va de même pour le doigt de Peau d’Âne avec la bague.

Juliet Drouar affirme que « Les corps ne sont pas une donnée mais des archives du sexisme et du patriarcat » dans son essai féministe Sortir de l’hétérosexualité.

En ce sens, le physique délicat des princesses est attirant pour leurs princes et pour la plupart des hommes de la cour – comme le roi dans Peau d’Âne et ses conseillers –. Un corps féminin faible est idéal car aisément dominé.



III. Le reflet des diktats patriarcaux de la beauté

Un idéal qui s’explique par l’époque

La figure de la princesse représentée par Peau d’Âne et Cendrillon repose sur deux critères : la beauté et la bonté. Ces deux traits suffisent à faire d’elle la femme idéale, sur laquelle se retournent toutes les têtes et qui charme de par son physique et son caractère.

On ne peut s’empêcher de remarquer que ces deux critères sont très simplistes, et surtout, sexistes.

En effet, leur beauté repose sur une peau blanche ainsi qu’une silhouette petite et mince.

La peau pâle comme critère de beauté s’explique par l’époque. En effet, au XVIIème siècle, une peau bronzée était attribuée aux travailleurs et travailleuses, plus spécifiquement aux paysans et paysannes dont la journée était passée dehors dans les champs. Les personnes plus aisées pouvaient se permettre de ne pas travailler ou de travailler en intérieur, et ne bronzaient pas. Une peau non-bronzée était donc synonyme de richesse et de rang noble. Une jeune femme à la peau blanche faisait certainement partie d’une famille car elle avait le loisir de ne pas travailler dans les champs, voire de ne pas travailler du tout. Elle était donc de bon parti : une femme idéale pour une époque où le mariage était un contrat économique entre deux familles, mais aussi où il était important de se marier dans une classe sociale équivalente ou supérieure à la sienne. Le niveau de bronzage était donc un marqueur social.

Pour ce qui est de la petitesse néanmoins, il s’agit de plusieurs choses.

D’abord, comme pour la peau pâle, il s’agit d’une question de noblesse. En effet, des mains et des pieds fins, dépourvus de callosités ou d’ampoules renvoient à une origine noble. Une femme avec de telles mains était donc bien souvent de bonne famille, faisant d’elle un bon parti pour un mariage.


Mais également par le sexisme de la société

L’époque n’est pas la seule explication aux critères de la femme idéale évoqués précédemment : la beauté et la bonté. Cendrillon et Peau d’Âne sont des contes datant du XVIIème siècle. Ils sont peut-être même plus anciens car avant d’être mis sur papier dans Les Contes de ma Mère l’Oye, ils étaient des contes populaires transmis à l’oral.

La condition féminine à l’époque de Perrault est critiquable par bien des aspects puisque le genre féminin était considéré comme faible, imparfait et ne pouvant donc exister sans supervision masculine. Les femmes passaient donc leur vie sous tutelle : de leur père et/ou de leur frère d’abord, puis de leur mari au moment où elles se mariaient. Leur existence pourrait être décrite par la célèbre phrase « Sois belle et tais-toi ». Cet assujettissement du genre féminin était la norme, qu’importe le rang social de la femme : noble ou du peuple.

Les femmes de l’époque n’avaient ainsi – pour la plupart – pas accès à l’éducation puisque ce n’était pas ce qu’on leur demandait. Elles étaient exclues de tous les milieux savants. Si certaines se sont distinguées en poésie ou en sciences, elles étaient autodidactes et bien souvent tournées en ridicule par les hommes.

Rousseau, dans Émile ou de l’éducation, écrira plus tard, en 1762 : « Ainsi toute l'éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d'eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs des femmes dans tous les temps et ce qu'on doit leur apprendre dès leur enfance. ».

« Il est étrange que la société ne s'interroge pas davantage sur les mécanismes qui font que des adolescents, et surtout des adolescentes, sont, en effet, « prêts à tout » pour une carrière dans le cinéma ou dans la mode ; comme si les filles sortaient du ventre de leur mère en rêvant de devenir top models. Là encore, on se lave les mains du conditionnement qui les amène à se percevoir uniquement comme des objets esthétiques, et à ne rêver de succès qu'à travers une carrière de chanteuse, d'actrice ou de mannequin. » écrit Mona Chollet dans Beauté Fatale. La figure de la princesse incarnée par Cendrillon et Peau d’Âne est directement associée à ce conditionnement sexiste. En effet, la princesse est désirée par le prince en raison de sa beauté et de la douceur qu’elle dégage.

La figure de la féminité idéale, celle de la princesse, est un créé au-travers du « male gaze ». Le « male gaze », ou « vision masculine », fait référence au regard porté sur la société et ses composantes. Ce regard, dominant dans l’art et la culture, serait celui d’un homme cis-genre et hétérosexuel.

C’est à dire que la plupart de ce que l’on voit et que l’on lit est la résultante d’un fantasme potentiel d’un homme cis-genre et hétérosexuel. Ce regard s’accompagne très souvent d’une objectivation du corps, et de l’intellect de la femme, dont la fonction première est de plaire aux hommes. Ce concept fut théorisé par la critique de cinéma Laura Mulvey en 1975 au travers de son essai Visual Pleasure and Narrative Cinema.

La femme idéale doit faire honneur à son mari. Elle doit donc être agréable à regarder, à écouter, et, ne pas prendre trop de place ni d’un point de vue physique ni par son esprit pour ne pas faire de l’ombre à son époux.

La figure de la féminité idéale, apparentée à la figure de la princesse est pleinement sexiste et patriarcale, des notions sociologiques attribuables à l’époque durant laquelle elles ont été créées, mais dont les marqueurs persistent encore dans notre société actuelle.


Les vestiges de cette figure de féminité idéale aujourd’hui

La figure de la princesse, telle qu’elle est représentée par Cendrillon et Peau d’Âne existe toujours aujourd’hui. Dans la société influencée par les normes de genre binaires qui est la nôtre, elle est synonyme de femme idéale – du moins dans une relation hétérosexuelle classique –.

Dans une relation hétéro-normative et influencée par le patriarcat, la femme se doit d’être soumise. Cela passe donc par en partie par son physique. La femme est plus petite que l’homme, plus frêle, moins musclée… En bref, l’homme doit lui être supérieur physiquement pour pouvoir la protéger, mais aussi la contrôler si besoin.

Cela s’exprime également au-travers de la personnalité attendue de la femme. Celle-ci doit être docile, douce, gentille, naïve, maternelle, en soit, tout ce qui fait d’elle une personne dont on peut tirer un avantage si on le souhaite. Surtout lorsque les traits de personnalité attribués aux hommes sont aux antipodes de ceux de la femme, et bien plus affirmés. Dans son essai Beauté Fatale, Mona Chollet affirme que « les hommes intelligents et cultivés aiment les filles débiles : c’est comme ça ». Une femme sûre d’elle et de sa valeur a du pouvoir et cela est menaçant aux yeux des hommes. Portia de Rossi raconte également qu’elle « n’en peut plus de voir, dans les scénarios qu’elle reçoit, l’héroïne décrite comme « naturellement mince » ou « belle sans le savoir » ».

Ces caractéristiques physiques et de personnalité sont les mêmes que celles établies plutôt comme propres à la figure de la princesse et donc de la femme idéale.

Ces stéréotypes perdurent en partie en raison des représentations présentes dans les médias - la littérature, le cinéma, la publicité etc. -.

Toujours dans Beauté Fatale, Mona Chollet expliquera : « De même, les magazines travaillent avec constance à modeler les comportements féminins sur les desiderata supposés de la gent masculine, à travers d’innombrables articles sur ce que les hommes pensent, aiment, détestent, sur ce qui les rend fous, sur ce qui les dégoûte irrémédiablement, etc.

Ainsi, dans leur analyse de la presse pour pré-adolescentes, Pierrette Bouchard, Natasha Bouchard et Isabelle Boily décortiquent un article du magazine québécois Cool ! intitulé « 10 choses que les gars aimeraient nous faire comprendre » et destiné aux gamines vivant leurs premières relations amoureuses. Les filles y sont montrées – et donc construites – comme des créatures « excitées et écervelées, contrôleuses, malhonnêtes, colériques et jalouses, manipulatrices et, enfin, infantilisantes », tandis que les garçons sont « des êtres libres, totalement indépendants, qui se gardent des espaces à eux à l’abri des filles et qui ont le pouvoir de mettre à distance et de mettre fin à la relation ». Aux premières, le magazine enjoint « de se taire et de ne pas poser trop de questions, car “les filles parlent beaucoup, un peu trop pour les gars” ». Trop parler nuit également à l’indispensable part de « mystère » qu’elles se doivent de conserver ; une obligation qui, par une heureuse coïncidence, recoupe l’essentiel de ce que l’on attend d’elles : qu’elles restent à leur place. »

Les contes sont d’abord racontés aux enfants et participent donc grandement à construire leur vision du monde. Ils leurs inculquent donc tous ces stéréotypes de genre dès l’enfance. La figure de la princesse est également présente dans les films d’animations. Si les studios Disney tentent depuis quelques années de proposer des héroïnes plus indépendantes comme La Reine des Neiges, la plupart sont encore dans le cliché – comme le récent Raiponce, La Belle et le Clochard, Narnia et tous les films de princesses jusqu’aux années 2000 … –.

Si les nouveaux romans jeunesse proposent des héroïnes indépendantes et fortes, comme dans les romans de Pierre Bottero, la série des Hunger Games ou encore Tara Duncan, on retrouve la figure de la princesse dans certains films pour adultes. Notamment dans les films de super-héros, où, lorsque la femme ne possède pas de pouvoir, elle est sans cesse secourue par le héros et en devient dépendante. De plus, même lorsque la femme possède des pouvoirs, elle a souvent besoin d’un homme pour l’aider à se canaliser (mythe misogyne de l'hystérie féminine). C’est le cas par exemple de Jean, aussi appelée le Phoenix dans la série Marvel des X-Men.

Les schémas narratifs des contes exerçant une énorme influence sur les schémas artistiques actuels, la figure de la princesse comme idéal féminin perdure dans nos représentations sociétales et donc dans l’inconscient collectif.



Bibliographie

Les contes de ma mère l’Oye, Charles Perrault

Beauté Fatale, Mona Chollet, 2012

La Femme mystifiée, Betty Friedan, 1963

Sortir de l’hétérosexualité, Juliet Drouart, 2020

Profil d’une œuvre des contes de Perrault, Profil d’une oeuvre

Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim, 1976

The Donkey-Skin Folktale Cycle, The Journal of American Folklore, vol 110 n° 435, Christine Goldberg, 1997

Filles-garçons, socialisation différenciée ? , Anne Dafflon Novelle, 2006

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