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la culture du bien-être tue les pauvres pour alimenter les riches

Titra alternatif : Acheter une bougie parfumée ne réparera pas nos santés mentales.


Le 13 Mars 2023, dans le podcast The Art of Being Well du Dr. Will Cole, Gwyneth Paltrow s’exprimait sur son régime alimentaire et son mode de vie lui permettant, à son sens, de rester en bonne santé.

Cette apparition a déclenché de nombreuses réactions dans les médias et sur les réseaux sociaux. Sur la chaîne du podcast, les commentaires affluent pour évoquer les dangers de la “diet culture” ou tournent le tout en dérision en parlant qualifiant Gwyneth Paltrow d’ “almond mom”.




Qui est Gwyneth Paltrow ?

Une actrice et chanteuse américaine.

En 2008, elle lance Goop, un site internet dédié au bien-être, “wellness” en anglais. Déjà à l’époque, de nombreuxses professionnel-les de santé tirent la sonnette d’alarme concernant certains propos, produits et conseils prodigués par l’actrice sur son site. Son régime alimentaire, qu’elle présente sur les réseaux sociaux, est également critiqué. Beaucoup déclarent que son mode d’alimentation est pro-tca (trouble alimentaire) et que manger aussi peu n’est ni sain, ni un exemple à promouvoir.

Goop et sa créatrice sont controversées depuis plusieurs années en raison des messages qu’elles portent.

Dans le podcast, Gwyneth Paltrow expose son “amour” pour les intraveineuses et confie en utiliser régulièrement. Elle choisit des éléments comme le glutathione (un antioxydant présent dans les végétaux, animaux et champignons) ou le phosphatidylcholine (un élément chimique favorisant la mémoire et naturellement présent dans notre corps, ainsi que dans les aliments végétaux et animaux). Elle avoue avoir du mal à se procurer ce dernier.

Cela pose des problèmes d’accessibilité et de santé publique puisque certaines personnes malades ont aujourd’hui besoin d’intraveineuses pour survivre, comme spécifié par certains commentaires sur TikTok.




Sur le site de la marque, on retrouve de nombreux produits centrés autour du “bien-être” : compléments alimentaires, poudres detox, huiles essentielles, lampes électriques apportant les mêmes bienfaits que la lumière du soleil sans ses dangers, masques pour les yeux à lumière infrarouge pour éliminer les rides et booster le collagène, etc.

Les discours de Gwyneth Paltrow sont également très marqués. On se souvient par exemple du fameux : “I would rather die than let my kid eat Cup-a-soup” (Je préfèrerais mourrir plutôt que de laisser mon enfant boire une soupe en sachet).

Certain-es la qualifient aujourd’hui de “almond mom ultimate boss” (l’ultime maman aux amandes).

Cette appellation ”almond-mom” nous renvoie plus de dix ans en arrière, à l’émission Real Housewives of Beverly Hills dans laquelle on retrouvait Yoland Hadid et ses filles, Gigi et Bella Hadid, aujourd’hui mannequins internationales. Dans un épisode, Gigi dit à sa mère : “je me sens vraiment faible. J’ai mangé, genre, une demi-amande”. Et sa mère lui répond : “Prends-en deux et mâche-les bien” avant de continuer sur l’illusion qu’elle donnera ainsi à son estomac d’avoir mangé quelque chose de plus consistant.

Ce type de conseils dangereux est aujourd’hui dénoncé au-travers de nombreuses vidéos parodiant les “almond moms” et expliquant comment leur discours peut provoquer des troubles alimentaires chez leurs enfants. Beaucoup ont alors partagé leurs expériences et les réflexions qu’iels ont pu recevoir durant leur enfance et adolescence dans les années 90-2000. Toustes ont mis en évidence la manière dont cela a façonné leur rapport à la nourriture en tant qu’adulte.

Comment cette mentalité de la minceur à tout prix, cette culture du régime, a été néfaste sur leur construction et leur santé mentale.


La Diet culture, traduite par Culture des régimes.

C’est ce système de croyances selon lequel la valeur d’une personne dépend de sa minceur. Ces idées sont martelées dans les médias (magazines féminins et summer body bonjour), et peuvent, à force, nous inciter à nous priver de nourriture (de façon plus ou moins intense) par peur de grossir, et donc d’être moins valable aux yeux de la société.

Récemment, avec l’activisme féministe et “body-positive”, la culture du régime a pris un coup. Elle a donc du changer son image pour rester rentable. Ou plutôt, les entreprises du secteur ont du changer leur image et leur discours, leur “branding”, pour rester rentables.

C’est là qu’arrive le “bien-être”.

Plutôt que de parler de régimes, on se met à parler de détox. Et la machine est lancée.

Le marché du bien-être est aujourd’hui en plein essor. Et ce, malgré la récession. Cela s’explique par la présence grandissante d’un certain mal-être au travail exprimé par les travailleureuses, des cadres aux ouvrièr-es.

D’après Wikipédia, le bien-être se définit ainsi :




En France, les chiffres de burn-out sont en constante augmentation jusqu’à atteindre 10% des salarié-es fin 2022 d’après Orientaction Groupe.

En ajoutant à cela le stress lié à l’écologie, à l’équilibre famille-travail, au pouvoir d’achat, à la guerre, etc. On comprend pourquoi de nombreuses personnes tentent de pallier à cela via des tentatives pour améliorer leur hygiène de vie. Cela passe par le sport, la relaxation, les cosmétiques, l’alimentation et bien d’autres.

De nombreuses marques ont donc choisi de se positionner sur ce marché du “bien-être” en profitant des insécurités de personnes désespérées, mal dans leur peau, et souvent exploitées économiquement. Mais aussi de personnes atteintes de maladies chroniques et étant prêtes à tout pour aller mieux.

Certaines entreprises de cette industrie capitalisent également sur la peur de la nourriture. D’abord en misant sur la peur de grossir, mais aussi en alimentant les discours affirmant que la nourriture actuelle est du poison. On retrouve beaucoup l’idée qu’aujourd’hui tout est toxique en raison de l’omniprésence d’OGM et de pesticides. Cela a bien sûr une part de vérité, mais la solution proposée ne devrait pas être de ne plus s’alimenter autrement qu’avec des poudres et des infusions de plantes.

En appuyant ces croyances et discours, l’industrie du bien-être prévoit une croissance de près de 39 milliards de dollars américains d’ici à 2028. Et ce, seulement aux États-Unis.

À l’échelle globale, le bien-être pèse 4,5 trillions de dollars aujourd’hui et affiche une croissance de 21% entre 2017 et 2020.

Entre les applications white-washées de kundalini, les chocolats chauds en poudre infusées au CBD à 70€ le paquet de 120 grammes, les oeufs connectés pour entraîner le périnée, et les cures detox à 900€ pour boire du jus de pomme frais pendant une semaine, on se perd.

Et surtout, on oublie que certaines de ces entreprises ne veulent pas notre bien-être mais bien de s’enrichir sur notre mal-être.

Ce temple de la sur-consommation sert également à nous détourner d’une des sources du problème : les diktats de la société capitaliste et son exploitation constante de nos existences.

Acheter une gourde avec un cristal de roche à l’intérieur ne réparera pas nos santés mentales. Par contre, cela enrichira une industrie milliardaire, des millionnaires, consolidera un système exploitant les populations ouvrières des pays dits “du Sud” et achèvera de nous mettre dans le rouge.

Si l’on reprend la définition du bien-être évoquée plus tôt, celui-ci repose sur, en plus de l’alimentation saine et du sport, la gestion du stress, l’équilibre émotionnel et l’activité sociale.

Tout cela s’obtient en repensant nos modes de vie, nos modes de pensée, la place que l’on occupe en société - et le système -, et non grâce à une cure d’extrait de cannelle.

Acheter un diffuseur d’huile essentielle lorsque l’on est au bord du burn-out professionnel et social, c’est mettre un bout de scotch sur une baignoire qui fuit.

Les riches sont-iels déjà dans une dystopie ?

Pour revenir sur The Art of Being Well, plusieurs commentaires parlaient de dystopie sous les vidéos du podcast en question.

On peut comprendre pourquoi.

En effet, obtenir ses nutriments par l’usage d’intraveineuses, comme l’expliquaient les personnes présentes sur le podcast, plutôt que par l’alimentation pose question. En particulier dans le contexte américain où l’accès à la santé et à la médecine est un privilège de classe.

Alors que les riches se payent des intraveineuses de façon quasi-quotidienne, ou pour avoir une peau radieuse sur un tapis rouge, les 99% restant ont peur d’avoir un problème de santé pour lequel iels n’auront pas les moyens de financer les soins.

En plus, de la banalisation de la technologie, cela révèle également une réelle disparité de classe. Les préoccupations par rapport à la santé et au bien-être ne sont visiblement pas les mêmes d’une classe socio-professionnelle à l’autre.


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